pop - off 

Faire un trou est un chemin d’évidence. Faire le sien aussi.

Pour sa deuxième exposition à la galerie Satellite, Antoine Poncet présente une série d’œuvres récentes sur le thème de la perforance et du confetti. Ce travail s’inscrit dans la lignée de ce qu’il a montré en septembre 2003 à la Biennale d’Issy-les-Moulineaux.

Grâce à de gros confettis à la fois ludiques et subversifs, cet artiste sait sortir des cadres qui lui sont impartis pour envahir l’espace.

Antoine Poncet (alias Tony Poncetti) est né à Bourg-la-Reine en 1964. Depuis un séjour à Londres en 2000-2001, il a installé son atelier à Paris, dans le 14e. Nourri des expériences des Nouveaux réalistes, notamment de Raymond Hains qu’il aime écouter parler, et grand connaisseur de Marcel Duchamp qu’il a appris à relativiser à travers sa fille, Yo Savy (alias Yo Sermayer), Antoine Poncet a acquis une profonde connaissance de l’art du 20e siècle qui se retrouve dans la finesse et la pertinence de son regard.

L’exposition Pop off comprend une quinzaine d’œuvres réalisées en 2003 et 2004. Avec son désordre apparent, elle restitue une ambiance d’atelier. On y trouve à foison des confettis utilisés comme une palette colorée et proliférante. Pourtant, derrière les confettis et leur légèreté, il y a toujours l’empreinte d’une extraction (en anglais to pop off). C’est pourquoi, est présenté, comme enmiroir, le support originel perforé qui rappelle l’ambivalence des états et des sentiments.

Les confettis sont souvent pris dans des affiches d’œuvres célèbres de l’art du 20e siècle. Ils servent alors à expérimenter la dilution, à interroger ce qui reste d’un tableau quand on n’en garde que des fragments.

Dans d’autres cas, ils sont utilisés pour reproduire des objets familiers (ciseaux, emporte-pièce, boîte d’allumettes) à l’intérieur de cadres soigneusement confectionnés. Tantôt ils soulignent une absence, tantôt ils affirment une présence. Le travail d’Antoine Poncet entraîne le regard à comprendre les images, leurs frontières, leurs séquences.

Une des œuvres exposée est une installation de magazines d’actualité en partie perforés qui laissent apparaître en surface un ensemble d’informations qui n’avaient pas vocation à être présentées sur un même plan. Grâce à sa fraîcheur et son humour, elle parvient non seulement à rafraîchir mais aussi à affiner le jugement du spectateur.

En définitive, Antoine Poncet propose différents moyens d’expérimenter le hasard. Avec ses tableaux sur film plastique transparent, il explore la technique du dripping chère à Pollock.

Avec le sèche-mains électrique installé à l’envers, il propose aux visiteurs joyeux de tester leur talent de semeur. Le hasard qu’on découvre dans chacune de ses œuvres est un hasard relatif — mais il en sort bien des choses.

 

 Perforations: performances Ă  l'emporte-pièce...

 Quelque part, dans un atelier du sud de Paris, une Marilyn partiellement Ă©nucléée contemple quelques confettis extraits d'un prospectus Conforama qui s'agitent au-dessus d'un sèche-mains posĂ© Ă  l'envers. A cĂ´tĂ©, un Murakami reproduit et criblĂ© de trous. Si diminuĂ© que l'on pourrait l'appeler Murkmi, Mumi, ou, mieux encore, Mum. Et puis d'autres reproductions, perforĂ©es, des magazines, des cartes, des portraitsofficiels des prĂ©sidents de la V' RĂ©publique, Ă©galement perforĂ©s. Plus bas, dans des tiroirs, des sachets en plastique incolore (les «Confetti-Poncettis» ) contenant des confettis rangĂ©s par provenance: tracts surrĂ©alistes, contraventions anglaises, billets de banque datant de la grande inflation allemande, papiers peints. . . Enfin, au milieu de cette cosmogonie trouĂ©e, Angelo, un crâne en argile blanche, lui-mĂŞme recouvert de confettis colorĂ©s. Un Ă©missaire du Royaume des ombres, venu semer la zizanie dans cet univers d'apparences.

 En stratège pataphysicien, Antoine Poncet a inventĂ© une vĂ©ritable machine Ă  dĂ©cerveler la reprĂ©sentation. Sa cible ? Toutes les productions visuelles et signifiantes de ce monde. Son mode d'action ? La contamination. Implacable mais vraie: tout assemblage de formes ou de signes atteint du syndrome de ce virus troueur devient immĂ©diatement poreux. Outrageusement permĂ©able Ă  l'Ă©co-système physico-chimique, Ă©conomique ou symbolique qui l'entoure. TrouĂ©, un magazine permet de nouvelles rencontres, signifiantes ou non, entre diffĂ©rents niveaux d'information. Et, ultime degrĂ© de cette traversĂ©e des strates, la vue du sol ou de la table, au-dessus de quoi il est posĂ©. TrouĂ©e, une reproduction de n'importe quelle Ĺ“uvre laisse apparaĂ®tre un Ă©trange ailleurs : irrĂ©gularitĂ©s de mur, invisibilitĂ© de l'air, violence d'une lumière...

 Face Ă  cette attaque virale, les Ĺ“uvres se rĂ©partissent en trois principaux sous-groupes : celles qui rĂ©sistent mal ( Caillebotte, Monory, Barney), celles qui rĂ©sistent très mal (Rauschenberg, Murakami, Manet), et celles qui rĂ©sistent presque bien (VĂ©ronèse, Warhol, Pollock). La perforation, ou l'esthĂ©tique du presque.

 Un Warhol trouĂ© Ă  58% est-il toujours un Warhol ? A quoi ressemble un Matthew Barney qui ne ressemble plus Ă  rien ? La limite. C'est elle, justement, qui impose aux formes et aux ĂŞtres leur statut spatio-temporel. Un statut qui, semble-t-il, n'est jamais dĂ©finitif. Donc discutable. Donc nĂ©gociable. MaĂ®tre de cĂ©rĂ©monie, Angelo-le-mort-festif nous rappelle que les limites entre le mort et le vivant, l'Ĺ“uvre et la non-Ĺ“uvre, l'ici et l'ailleurs ne sont ni fixes ni intangibles. RĂ©versibilitĂ© des apparences, la machine Ă  dĂ©cerveler est une machine Ă  rĂ©incarner. Les perforations deviennent des confettis, qui sont eux-mĂŞmes lancĂ©s, dispersĂ©s, semĂ©s, puis contrecollĂ©s un par un sur un filtre de transparent, encadrĂ© d'un châssis de bois. C'est le Semis, qui peut par ailleurs provenir d'une seule source ou ĂŞtre phylogĂ©nique. Gloire aux transformations, place Ă  l'alĂ©a ! Quel que soit le rĂ©sultat obtenu, la magie blanche aura opĂ©rĂ©: la cause sera devenue l'effet, le trou la surface. Et le dedans, le dehors. «Le moi n'est qu'un trou», affirmait Lacan. Un trou, c'est-Ă -dire un point aveugle, objet fatal du regard de l'Autre. Un lieu problĂ©matique, dĂ©pourvu de substance immuable et d'attributs originels. C'est Ă  ce point aveugle du reprĂ©sentĂ© (le moi-visage !) que nous mène la perforation poncettienne : sachant qu'il y a un trou, oĂą commence l'Ĺ“uvre,oĂą finit le reste ?

LAURENT QUINTREAU, « Minotaure Â» n° 5, 2004

Revues perforées - Maquette d’exposition “ la maison de la presse “

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