Exposant pour la deuxiĂšme fois Ă  Paris Ă  la Galerie Satellite espace Marie K, la jeune artiste photographe Keiko Sotokubo est atypique au Japon. Plus qu’un sujet, la banlieue est devenue le lieu d’exercice de son art de voir; elle le prĂ©sente en tirages discrets et neutres, noir et blanc, vues de focale moyenne, strictement horizontales, au champ dĂ©gagĂ©.

La banlieue japonaise souffre, toute soignĂ©e, Ă©quipĂ©e et polie soit-elle, du dĂ©ficit inhĂ©rent aux banlieues en terme d’ĂȘtre : zones indiffĂ©renciĂ©es, paysages sans histoire et sans gĂ©ographie. Une des prĂ©occupations de Keiko Sotokubo serait l’art du paysage-environnement moderne, qu’elle travaille avec une sorte d’entĂȘtement. La lenteur et l’indĂ©pendance de la marche Ă  pied font partie de son ascĂšse visuelle. Il n’y a pas d’humanisme dans son rĂ©alisme; ni souvenir d’enfance, ni lyrisme industriel ou urbain, et pas non plus de recours Ă  la puissance photographique pour happer le sujet. On est plus prĂšs de la mĂ©thode des san-sui-ga, les peintures de paysage de montagne Ă  l’encre de Chine, pour l’économie des moyens et surtout pour la disposition mentale qui rĂ©git l’auteur et sa pratique, l’outil et le monde, oĂč l’artiste Ă©carte l’anecdote et l’effet pour se concentrer sur le tout.

C’est que la banlieue moderne existe comme lieu neuf, qui ne s’est pas encore Ă©tabli comme paysage. Mais elle est aussi le lieu du grotesque et des grincements de dents : on peut rire franchement de ces paysages comme s’il s’agissait d’un travail unifiĂ©, de l’Ɠuvre d’un maçon-urbaniste-Ă©lectricien-horticulteur imaginaire qui aurait bien gĂąchĂ© son affaire. On peut mĂȘme remarquer que Keiko Sotokubo ne se dĂ©tourne pas un certain pictorialisme Ă  rebours.

L’image de la banlieue, phĂ©nomĂšne mondial, a ici une caractĂ©ristique particuliĂšre. Pris entre la mer et la montagne, la source et la riviĂšre, l’espace japonais cultivĂ© ou habitĂ© est marquĂ© d’une multitude d’élĂ©ments eux aussi sacrĂ©s ou kami ou simplement de rituels qui font partie de la grande pyramide religieuse, politique et culturelle du pouvoir japonais, dont l’influence s’étend jusque dans la construction de l’habitat privĂ© le plus commun. Une partie de l’urbanisation rĂ©cente a conservĂ© ces Ă©lĂ©ments, des modalitĂ©s de construction traditionnelles, ou encore de minuscules jardins; des choses qui font lien. Mais ce lien pourrait aussi avoir Ă©tĂ© rompu dans les annĂ©es de construction frĂ©nĂ©tique du siĂšcle dernier.

Ce travail qui est aussi une Ă©tude sĂ©riĂ©e du sentiment tout intĂ©rieur du dĂ©nuement et de l’insatisfaction, trĂšs mesurĂ©, ne permet Ă  aucun aspect, aucun Ă©lĂ©ment de cette banalitĂ© de se singulariser, sans dĂ©nouer non plus le dĂ©sir d’une photographie de paysage « heureuse Â», qui passe parfois comme un espoir déçu. En prenant le risque de ne capter qu’une brĂšve lumiĂšre exacte et brute, en affrontant de façon mĂ©thodique l’ñpretĂ© gĂ©nĂ©rique du rĂ©el nouveau qui se construit, Keiko Sotokubo acquiert une vision entiĂšrement neuve, libre de toute habitude visuelle, projetĂ©e loin en avant dans le temps. 

 

Bruno Maisons, septembre 2001, Tokyo.

 

( Keiko Sotokubo is a  young photographer in Japan. She takes pictures in the new suburbs of Yokohama / Tokyo with a high sense of neutrality,  experienced so earnestly that it does trigger a new vision.

This photographic work also puts a question mark. Are theses definitely dull places relevant to the Japanese Power of Emperor and Shinto ?)

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