L’essentiel des envois postaux, publiés aux éditions Gallimard.

J'avais envoyé ce petit texte à mes correspondants:

 

Le Poids de l'âme

Je connais l'histoire depuis mon adolescence. L'ai-je lue? L'ai-je entendue? Je ne m'en souviens plus.

Un savant voulut un jour connaître le poids d'une âme. Il pesa un moribond à la dernière extrémité et, immédiatement, il le repesa après son dernier souffle. Il trouva une différence de 21 grammes en moins, qu'il attribua au poids de l'âme.

J'ai raconté plusieurs fois l'histoire et je l'ai aussi entendue. Parfois le nom du savant était donné, parfois le lieu était nommé, le poids changeait de temps en temps.

Je m'en tiendrai Ă  21 grammes. Je taillerai un crayon vert, jusqu'Ă  ce que j'obtienne 21 grammes de copeaux. Je les mettrai dans un bocal Ă  confiture sur lequel le contenu sera inscrit.

L'objet Le poids de l'âme sera exposé à la Galerie Satellite du 22 janvier au 26 février 2000, dans le cadre de l'exposition collective intitulée "21".

 

Quelques jours après l’envoi je reçus une lettre de Jean-Louis Bigot, dans laquelle il me disait:

Je crois savoir d'où vient cette histoire du poids de l'âme:

AndrĂ© Maurois a publiĂ© un roman en 1931 intitulĂ© "Le Peseur d'Ă‚mes" et qui se passe pendant la Grande Guerre (ou celle des Boers?). Un mĂ©decin militaire (sans doute chercheur illuminĂ© dans le civil) utilise la plĂ©thore de cadavres frais pour Ă©tablir scientifiquement que l'âme existe puisqu'elle a un poids! Tout ceci de mĂ©moire: j'ai lu l'ouvrage il y a plus de quarante ans et n'en ai plus jamais entendu parler depuis, mais c'Ă©tait traitĂ© avec assez de  rĂ©alisme pour qu'un gamin de quatorze ans s'amuse Ă  prendre ça pour argent comptant et se souvienne toute sa vie, quoiqu'il advienne des illusions.


 

Le titre du roman d'André Maurois ne me disait rien et son contenu encore moins. Ma curiosité était piquée, il importait que je le lise. Je le trouvais le lendemain à la bibliothèque de Clignancourt. L'édition était de 1931.

Bien que je n’eusse aucune attirance pour les ouvrages de Maurois, je trouvais cette histoire fantastique passionnante. Sa lecture achevée, je me suis demandé pourquoi ce livre était tombé dans l'oubli. Je n'ai pas souvenir de l'avoir vu mentionné dans les bibliographies de littératures fantastiques. J’ignore pourquoi ce roman a bel et bien sombré dans les mémoires. Il a beaucoup de qualités: Il est bien écrit, bien construit, il est crédible, il tient en haleine, il est intelligent, hors le fait qu'il faut admettre, à sa lecture, le postulat ectoplasmique de l'âme, il baigne dans un réalisme pur, ce qui décuple la force fantastique du récit.

En résumé, le narrateur, écrivain français, se rend à Londres en 1923 et l'envie lui prend de revoir un médecin anglais, dont il partagea la tente, lors de la grande Guerre, à Ypres et qui devint son ami. Le contact est difficile, mais l'amitié reprendra et le Docteur James l'introduira à ses recherches. Le narrateur a quelques réticences, qu'il surmontera car le médecin traque les effets mesurables que peut produire l'âme sur le corps de malades décédés, au moyen d'une balance, dans la morgue de l'hôpital. Revenu à Paris pour quelques jours, l'écrivain rencontre un physicien qui lui parle de radiations qui peuvent rendre visible l'énergie et en particulier dematières fluorescentes, invisibles en plein jour, (qui peuvent) devenir visibles dans l'obscurité, sur le passage de rayons ultra-violets. De retour à Londres, le narrateur en parlera au médecin qui décidera de faire des expériences avec des ultra-violets. Elles réussiront. Le narrateur comprendra, lorsque le Docteur James mourra, qu'il cherchait uniquement à conjoindre son âme avec celle de sa femme, lors de la mort prévisible de celle-ci. Ses recherches étaient motivées par l'amour fou.

La mémoire de Jean-Louis Bigot, même si elle s'est trompée dans les détails, a bien retenu l'essentiel de l'esprit du roman. Je me suis laissé captivé par sa lecture comme un adolescent

Le cours du récit offrait des compositions de lumières, qui sont décrites comme des tableaux abstraits:

Deux gouttes d'un bleu d'acier parurent soudain dans l'obscurité, comme des planètes suspendues dans la nuit. Elles s'élargirent en volutes qui tournèrent lentement, grandirent, faiblirent, nébuleuses de plus en plus ténues. Une fumée liquide emplit tout le ballon d'un nuage irréel et lumineux.(p.84).

...Je vis paraître un brouillard bleuâtre. Il me sembla d'abord informe et comme épars sur toute la largeur du faisceau. Mais ce stade fut si court que je ne pus l'observer. Tout de suite la fumée se trouva condensée en une masse laiteuse, longue à peu près de quatre pouces, dont le bas était horizontal et dont le sommet suivait la courbe de la cloche. Cette masse n'était pas immobile, ni homogène. On y voyait des courants plus clairs et plus foncés. Je ne pourrais mieux vous décrire qu'en vous demandant d'imaginer des fumées de cigarettes d'épaisseurs et de couleurs légèrement différentes, superposant leurs spires et leurs anneaux jusqu'à former un objet aux contours bien définis. (p. 102-103)


 

Nous sommes dans la poésie des halos et des auras lumineuses du tournant du siècle. Les fluides et les lumières de Maurois viennent tout droit des visions colorées que décrivait, le baron de Reichenbach, qui s'intéressa, vers 1860, au problème du rayonnement des corps vivants, et qui déclara avoir découvert une énergie, à laquelle il donne le nom d'od. Elle apparaissait autour de personnes sous forme de halos ou d'effluves de type floral. Maurois cite d'ailleurs Reichenbach dans le roman.

Il citera encore une autre personne: le Docteur Crooks. Le Docteur James dira s'être inspiré dans ses expériences du Docteur Crooks qui racontait avoir pesé des cadavres d'animaux et avoir constaté après un temps à peu près fixe pour une espèce donnée, une chute brusque de poids... Pour l'homme, il avait estimé cette chute moyenne à dix-sept centièmes de milligrammes. "Donc l'âme existe, concluait-il, et elle pèse dix-sept centièmes de milligrammes"...

Le Dr Crookes n'était pas un personnage de fiction. Je savais qu'il avait inventé le radiomètre qui porte son nom. Le radiomètre est cet instrument que l'on voit parfois dans les vitrines, et le plus souvent chez les opticiens, qui est constitué d'une ampoule, dans laquelle le vide a été pratiqué et où tournent quatre pales, dont un côté est blanc et l'autre noir. L'explication de ce pseudo mouvement perpétuel tient au fait que les pales sont sous vide et les surfaces noires attirent la lumière et que les blanches la repoussent. Ce sont les photons qui les muent.

Le Peseur d’âmes portait encore le sigle N.R.F. Il était d’un tout petit format que Gallimard n’utilise plus pour ses romans de la collection blanche. J’ai eu plaisir à lire ce livre qui, bien que marqué par son époque, n’en conserve pas moins sa force, comme peut le faire une photographie ancienne, sur laquelle le regard rétrospectif réactive avec plus de vigueur ce qui était saisi au moment même.

Il y a toujours une émotion à lire un livre qui est plus vieux que soi. Les pages du Peseur d’âmes avaient bien jauni. Les bords des feuilles, que la lumière et la poussière infiltraient davantage, prenaient des tons francs de nicotine. J’eus le sentiment que dans quelques dizaines d’années le papier s’effriterait. Le livre en tant qu’objet me parut mourir et je craignis que son esprit entamât une disparition.

Du fait qu’André Maurois cite les expériences du Dr Crookes sur les différences de poids que peuvent présenter les corps des morts, il était important que je trouve des traces écrites signalant ces recherches. L’histoire que j’ai rapportée sur les 21 grammes du poids de l’âme, je la tenais pour une blague qui se colporte de bouche à oreille. Peut-être, vaut-il mieux dire se colportait, car cela fait bien trente ans que je ne l’ai plus entendue. La perspective de la réalité de l’expérience me réjouissait alors, il ne m’avait pas effleuré l’esprit qu’elle avait pu être pratiquée.


 

Je me suis souvenu d’un roman dont le personnage est le Dr Crookes lui-même. Le roman s’intitule Les Grandes Profondeurs, il est de René Reouven. Je me suis empressé de le relire. Les Grandes Profondeurs est aussi un merveilleux roman fantastique. Le DrCrookes, dans un laboratoire discret à Londres, a construit un appareillage capable de produire les forces psychiques d’un médium. Lorsqu’il les aura libérées, il ne pourra plus être le maître de ces forces, ce sont elles qui vont le maîtriser. On apprendra, à la fin du roman, une chose étonnante sur l’identité de Jack l’Eventreur. Tout au long du récit une fascinante lueur verte accompagnera le lecteur. Je n’avais pas souvenir d’y avoir vu noté les expériences du Dr Crookes sur le poids de l’âme, ma relecture l’a confirmé, en effet, aucune mention n’y est faite.

J’avais écrit une lettre à René Reouven, puisqu’il était visible qu’il avait fait des recherches conséquentes sur le Dr Crookes. Il me répondit qu’il n’avait absolument rien trouvé, à son sujet, sur des expériences sur le poids de l’âme.

A Glasgow, un ami, Daniel Lines, se proposa de faire des recherches, en bibliothèque, sur le Dr Crookes. Il consulta un certain nombre d’ouvrages, mais aucun ne lui sembla contenir des réflexions sur le poids de l’âme.

Je fus dépité dans un premier temps, puis une hypothèse fit son chemin.

Si aucune mention de recherches sur le poids de l’âme n’apparaît dans ces ouvrages, c’est que peut-être William Crookes ne les a pas effectuées. Daniel, dans sa lettre me dit que cesrecherches sur les phénomènes médiumniques, lui (auraient) valu les pires ennuis de la part de la communauté scientifique. William Crookes se confrontait donc à un discrédit. Il se pourrait que ce discrédit ait favorisé l’émergence de cette histoire du poids de l’âme. Ainsi, elle serait devenue une rumeur et les bribes qui me parvinrent dans les années soixante étaient les retombées de la légende vipérine destinée à jeter l’opprobre sur le Dr Crookes. André Maurois n’aurait été alors qu’un relais de la rumeur. Heureusement, elle lui fut l’occasion de l’élaboration d’une fiction prenante.


 

Après avoir Ă©crit ceci, j’ai repris le texte de Maurois et je me suis aperçu que le nom du Dr Crookes Ă©tait Ă©critCrooks, ma mĂ©moire avait ajoutĂ© le « e Â», car, en mon esprit Crooks ne pouvait ĂŞtre personne d’autre que le Dr Crookes. Maintenant, j’avance l’hypothèse que Maurois aurait peut-ĂŞtre pratiquĂ© volontairement l’élision du « e Â» pour laisser planer le doute. Ce qui signifierait qu’il Ă©tait conscient que l’attribution au Dr Crookes d’expĂ©riences sur le poids de l’âme n’était qu’une rumeur.

 

21 Grammes

17 novembre 2003


 

Au dĂ©but du mois d’octobre, je reçus une lettre de Jean-Bruno Renard au sujet du poids de l’âme. Il me faisait part de la dĂ©couverte, dans un livre sur les enterrĂ©s vivants, d’une citation sur le poids de l’âme qui rapportait qu’un sujet pesĂ© avant et après sa mort, la diffĂ©rence de poids Ă©tait de 25 g en moins. Cette information me raviva la mĂ©moire sur ce sujet que j’avais voulu traiter.

 Rien depuis presque quatre ans ne m’était parvenu sur le poids de l’âme. Mon intĂ©rĂŞt s’était volatilisĂ© par manque d’élĂ©ment. L’idĂ©e que les expĂ©riences de recherches sur poids de l’âme n’avaient jamais eu lieu s’était installĂ©e dans mon esprit. J’étais convaincu qu’aucun indice sur la pratique de telles expĂ©riences ne me parviendrait. Les annĂ©es passèrent. De mĂŞme aucun signe sur l’exploitation littĂ©raire du thème ne se prĂ©senta, je concluais que seul AndrĂ© Maurois l’avait utilisĂ©.

 Lorsque je reçus la lettre de Jean-Bruno Renard, je cherchai mon texte et ne le trouvai pas, je finis par le dĂ©couvrir en compagnie d’autres papiers inclassables. A sa relecture je compris que je m’étais profondĂ©ment fourvoyĂ© en recherchant du cĂ´tĂ© de Crookes. Je me prĂ©cipitai sur l’ordinateur pour sonder les rĂ©ponses que la toile pouvait me fournir. A l’époque, je n’utilisais pas encore ce moyen, depuis que je dispose d’un ordinateur, je n’avais pas encore pensĂ© Ă  interroger la toile sur le poids de l’âme.

 Il m’apparut immĂ©diatement une chose très importante : un film intitulĂ© 21 Grams Ă©tait sur le point de sortir sur les Ă©crans des Etats-Unis. Ces 21 Grammes correspondaient bien au poids de l’âme libĂ©rĂ©e du corps. Me trouvant par ailleurs dĂ©jĂ  sur d’autres pistes, je ne voulus pas multiplier mes intĂ©rĂŞts et reportai Ă  plus tard l’analyse de cet Ă©vĂ©nement. En sus, je pensai qu’il Ă©tait prĂ©fĂ©rable que je parle de ce film seulement après l’avoir vu. Par une indication, je compris qu’il devait sortir en France, Ă  la fin du mois de janvier 2004. Ce n’était pas bien loin.

 Quelques semaines plus tard, j’eus plus de temps pour chercher sur la toile les sites qui rĂ©pondaient au poids de l’âme. Je collectai de très rares et brèves rĂ©fĂ©rences Ă  cette histoire de mourants pesĂ©s et repesĂ©s Ă  leur mort. Ces mentions Ă©taient souvent des commentaires Ă©changĂ©s entre navigateurs. Les poids obĂ©issaient Ă  une parfaite fantaisie et le nom du scientifique qui avait procĂ©dĂ© Ă  l’expĂ©rience n’était jamais donnĂ©.

 J’ai fait contre toute attente une dĂ©couverte Ă©tonnante : il y a bien un scientifique qui a pratiquĂ©, Ă  plusieurs occasions, l’expĂ©rience du pesage du moribond puis du mort. Le texte de l’analyse des rĂ©sultats est sur la toile. Plusieurs sites le reproduisent. J’en ai comptĂ© plus d’une dizaine. L’homme se nommait Duncan MacDougall. Il habitait Haverville dans le Massachusetts. Il publia son rapport en 1907 sous le titre : Hypothesis Concerning SoulSubstance Together with Experimental Evidence of the Existence of Such Substance.

 Dans son exposĂ©, le docteur Duncan MacDougall postule que l’âme est matĂ©rielle, qu’elle a une masse et que celle-ci peut donc ĂŞtre mesurable en comparant les poids du dĂ©cĂ©dĂ© avant et après sa mort.

 MacDougall a pratiquĂ© l’expĂ©rience sur six personnes. A ses dires, elles se seraient rĂ©vĂ©lĂ©es positives. Il aurait trouvĂ© une diffĂ©rence nĂ©gative de trois-quarts d’une once (21,3 grammes) après le dernier soupir. Il continua ses expĂ©riences sur une quinzaine de chiens, pour lesquels il ne remarqua aucune diffĂ©rence de poids. Il faut noter que MacDougall Ă©tait partisan de la prĂ©sence matĂ©rielle de l’âme avant d’entamer ses expĂ©riences. On peut penser aussi qu’un lot de six personnes ayant perdu du poids au dĂ©cès ne permet pas d’établir la rĂ©alitĂ© de la prĂ©sence d’une âme, le poids devrait ĂŞtre quelque part dans la pièce. Dans sa conclusion MacDougall n’affirme pas qu’il a dĂ©tectĂ© la substance de l’âme, sa phrase conclusive se termine par un point d’interrogation car il pose la question de la nature de la substance qu’il a cernĂ©e.

 Des pages d’un site, datĂ©es du 27 octobre 2003 (www.snopes.com ) donnent beaucoup d’informations sur cette expĂ©rience. A la date du 11 mars 1907, The New York Times rend compte des expĂ©riences de MacDougall. Celles-ci, en ce qui concerne le poids de l’âme, ne semblent pas avoir Ă©tĂ© poursuivies.

 Je pense que se sont les recherches de MacDougall qui ont dĂ©terminĂ© les rumeurs sur le poids de l’âme et qui ont inspirĂ© Ă  AndrĂ© Maurois son roman, mĂŞme si ce dernier a peut-ĂŞtre toujours ignorĂ© le nom de MacDougall.

 

A Portée de main

20 novembre 2003

 

 Lorsque les faits hasardeux se multiplient, on arrive Ă  prendre les Ă©vĂ©nements improbables pour des Ă©vĂ©nements naturels et courants.

 Le courant a passĂ© une nouvelle fois au sujet d’un livre, une petite ampoule s’est alors allumĂ©e. Thieri Foulc et moi nous devisions Ă  la librairie Va l’heur, rue Rodier, dans le neuvième arrondissement de Paris, après une lecture qui s’y Ă©tait donnĂ©e. Je ne sais plus de quoi nous parlions, mais Thieri a dĂ» prononcer un mot qui m’a Ă©voquĂ© le retour de mon intĂ©rĂŞt pour Le poids de l’âme. J’ai exprimĂ© les difficultĂ©s Ă  trouver des documents sur le sujet. Il me rĂ©pondit qu’à une pĂ©riode les publications du Collège de Pataphysique s’étaient intĂ©ressĂ©es au thème et qu’il rechercherait ces Ă©lĂ©ments. J’ajoutai, qu’en matière de fiction littĂ©raire je connaissais uniquement le court roman d’AndrĂ© Maurois : Le Peseur d’âmes. Thieri l’ignorait. Il s’intĂ©ressa alors Ă  une pile de romans fantastiques situĂ©e, sur un rayonnage Ă  ma gauche. Je remarquai avec surprise que le livre du dessus de la pile Ă©tait d’AndrĂ© Maurois. Je le pris, l’ouvris et m’aperçus que Le Peseur d’âmes faisait partie du sommaire. Cela s’appelle tomber pile. Le recueil des rĂ©cits fantastique de Maurois s’intitulait Nouvelles extraterrestres et imaginaires, l’éditeur scientifique Hermann le publia aux alentours de 1996.

 Il y a quatre ans, lorsque j’avais recherchĂ© Le Peseur d’âmes, je ne l’avais pas trouvĂ© en librairie, je l’avais dĂ©nichĂ© dans une bibliothèque municipale, c’est dire l’exceptionnel de la situation, d’autant plus que depuis cette Ă©poque je n’ai pas remarquĂ© ce roman en librairie et lĂ  il se tenait Ă  portĂ©e de main. Il est vrai que se n’était la première fois que Thieri Foulc et moi nous nous trouvions dans une situation similaire. Au mois de juin 1997, pĂ©nĂ©trant dans la librairie La Marraine du Sel, je dĂ©couvrais des publications Ă  l’enseigne du Crayon qui tue, alors que je venais d’écrire un texte dans lequel j’évoquais un crayon qui tue.

 Que pèse une telle anecdote ? D’abord a-t-elle une âme ?

 

Mystification

23 novembre 2003


 

 Mes recherches n’ont fait Ă©merger aucun Ă©lĂ©ment qui aurait trait Ă  une Ĺ“uvre littĂ©raire, roman ou nouvelle, qui reposerait sur le poids de l’âme. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’en existe pas. Le roman d’AndrĂ© Maurois semble bien ĂŞtre le seul exemple basĂ© sur ce thème. Par contre, je suis tombĂ© sur un article curieux qui a l’air d’être une mystification. Il est signĂ© d’un certain Ragan Dunn et a Ă©tĂ© publiĂ© dans le tabloĂŻd Weekly World News du 8 novembre 1988. Voici sa traduction :

L’âme humaine pèse 1/3.000 d’une once !

Cela est l’étonnante revendication de chercheurs de l’Allemagne de l’Est, qui récemment ont pesé, au denier moment, plus de deux cents malades en phase terminale, et immédiatement après leur mort.

Dans chaque cas le poids perdu était exactement le même 1/3.000 d’une once.

L’indéniable conclusion est que maintenant nous avons confirmé l’existence de l’âme humaine et déterminé son poids, le Dr Becker Mertens de Dresde l’affirme dans une lettre reproduite dans Horizon le journal scientifique allemand.

 Le dĂ©fi se prĂ©sente maintenant est de dĂ©terminer exactement de quoi l’âme est composĂ©, ajoute-il. Nous supposons que c’est une forme d’énergie. Bien que nos tentatives pour identifier cette Ă©nergie soient restĂ©es sans succès, Ă  ce jour.

Le rapport des experts, cosignée par la physicienne Elke Fisher passe de main en main auprès des scientifiques de haut niveau de la planète. Gérard Voisart, le pathologiste français faisant autorité, fut particulièrement critique, disant que la différence de poids entre le vivant et le mort pouvait provenir de l’air resté dans les poumons. Mais les Docteurs Fisher et Martens affirmèrent qu’ils en avaient tenu compte dans leurs calculs. Ils établirent ensuite que le dispositif sur lequel ils s’appuyèrent pour calculer le poids de l’âme avait une marge d’erreur de 1/100.000 d’une once.

 Il nous apparaĂ®t que le poids perdu pourrait ĂŞtre le rĂ©sultat d’une dĂ©tĂ©rioration physique instantanĂ©e, disait le Dr Fisher. Mais après une Ă©tude exhaustive nous convĂ®nmes que ce n’était pas le cas. La seule explication possible est que nous mesurions la volatilisation de l’âme humaine ou une sorte de force vitale.

Les scientifiques communistes furent prudent et ne relièrent pas leur étude de l’âme à un être supérieur ou à une vie post-mortem. Mais les responsables religieux contactés par la presse européenne dirent que le rapport des experts confirmait l’existence de Dieu et du ciel, et firent l’éloge de cette recherche qui ouvrait une brèche.

 Il est ironique que des scientifiques communistes conduisirent une recherche sur l’âme et qu’en sus ils dĂ©clarèrent l’avoir trouvĂ©e, dit un homme d’église.

Les tentatives répétées d’obtenir une déclaration du Vatican resta sans succès. Mais une personne haut placée dit que le pape Jean-Paul II eut connaissance de l’étude allemande. Et elle aurait ajouté qu’il fut très impressionné. L’Eglise Catholique Romaine ne s’est jamais ressentie concernée par le poids de l’âme, mais nous sommes satisfaits de la confirmation scientifique de son existence, précisa la personne.


 

 Les expĂ©rimentateurs allemands devaient avoir des balances ultra prĂ©cises pour affirmer que le poids de l’âme est de 1/3.000 d’une once, c’est-Ă -dire 0,009 g, surtout en prĂ©cisant que la marge d’erreur est de 1/100.000, ce qui fait 0,0002835 g (l’once correspondant Ă  28,35 g). Il suffit que le mort perde un cheveu pour dĂ©rĂ©gler la pesĂ©e. Il est aussi très Ă©tonnant d’apprendre que ces savants allemands sont persuadĂ©s que l’air Ă  un poids. S’ils poursuivent leurs recherches hors du corps humain, ils vont donc trouver des âmes partout. Manifestement, il s’agit d’un canular, qui joue sur la crĂ©dulitĂ© du lecteur du journal.

 J’ai naturellement sondĂ© la toile, Ă  partir des noms propres donnĂ©s dans l’article. L’information est peu rĂ©percutĂ©e. Je n’ai pas trouvĂ© un seul site allemand qui en fasse mention. Seuls quelques sites amĂ©ricains et un site slovaque reprennent l’histoire. Une personne se nommant Roger Knights sur un site anglais raconte avoir reçu un appel tĂ©lĂ©phonique de Sarah Lonsdale de l’Observer, qui lui dit avoir pris contact avec la revue allemand Horizon qui affirme n’avoir jamais publiĂ© la lettre citĂ©e parWeekly World News et l’UniversitĂ© Technique de Berlin qui dit ignorer les auteurs de l’article.

 

 

Jean-Pierre Le Goff présente dans ce texte une chronologie de ses recherches sur le poids de l’âme.

The weight of the soul

 

 I know this story since I am a teen-ager. Did I read it? Did I hear it? I don’t recall.

 One day a scientist wished to know the weight of a soul. He did weigh a dying man, and weighed him again immediately afterwards, as his last breath had gone. He found a loss of 21 grams, that he took for the weight of his soul.

 I have told this story several times, and I was told the story too. Sometimes the name of the scientist was said, sometimes name of the place was told, now and then the weight would change.

 As for me, 21 grams will do. I will sharpen a green pencil, until I collect 21 grams of wood chops. I will place them in a glass can, labelled after its content.

 

 This object The weight of the soul will be shown at Satellite Gallery from the 22nd of January to the 26th of February 2000 taking part to the group show named “21”.

 

La Doublure du Poids de l’âme

 

 L’âme est rĂ©versible comme un impermĂ©able.

 

 Le nombre 21 se lit de droite Ă  gauche 12.

 Le carrĂ© de 21 est 441.

 Le carrĂ© de 12 est 144.

 Le nombre 441 se lit de droite Ă  gauche 144.

 

 Pour rendre compte de cette rĂ©versibilitĂ©, je taillerai 12 grammes de crayons verts, que je mettrai semblablement dans un bocal Ă  confiture. J’intitulerai l’objet: La Doublure du Poids de l’Âme.

 

   Jean-Pierre Le Goff

 

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jean-pierre le goff